Patrimoine : Les pressoirs de la commune de Montjaux

Alain Bernat, archéologue et historien résidant sur la commune vous propose de découvrir le patrimoine de Montjaux au travers d’une série d’articles qui seront publiés sur ce site.

Pour le premier, il aborde le sujet des pressoirs agricoles dont les vestiges ont traversé les siècles.

 

Pressoirs à raisin et contrepoids taillés dans le grès, un patrimoine discret témoin d’une viticulture précoce*

 

Les pressoirs ou contrepoids de pressoirs en grès sont nombreux dans les secteurs gréseux du sud-Aveyron mais la seule commune de Montjaux concentre quatre pressoirs dont un double et neuf contrepoids y sont signalés par Louis Balsan en 1957. Ils sont parfois à l’origine de lieux-dits, « lo truel » ou « truel », signifiant pressoir en occitan (par exemple, « Lo Truel » entre les ravins du Pouget et celui de Matarou dans la vallée de la Muse).

 

Pressoir double d’Ayguebonne
Pressoir double d’Ayguebonne – Coll. Bibliothèque de la Société des lettres de l’Aveyron, cl. L. Balsan. Cliché réalisé le 10 novembre 1936

 

Les maies

Les maies de ces pressoirs sont taillées soit dans des affleurements de grès comme celui de Marzials n°2 ou celui des Collegeats ou bien dans d’énormes blocs de grès détachés par l’érosion comme celui de Marzials n°1 ou bien le pressoir double d’Ayguebonne. Ces maies sont donc restées en place, là où elles ont été taillées. La maie, de forme plus ou moins carrée, présente en général un déversoir sur le côté le plus bas et deux longues encoches sur deux côtés opposés permettant de fixer la structure de bois qui accueillait la poutre du pressoir (voir le plan du pressoir de Marzials n° 2 et le dessin du pressoir de Savignac).

 

Plan du pressoir n°2 de Marzials (par Eliane Hedan, 1980)
Plan du pressoir n°2 de Marzials (par Eliane Hedan, 1980)

Les contrepoids

Il est, par contre, très rare de trouver en place les contrepoids, eux-aussi taillés dans le grès. Ils sont, en effet, presque exclusivement observés en réemploi, dans des murs, des encadrements de porte ou servant de socles de croix comme celui situé à l’embranchement de la départementale n° 993 avec la route de la Roubière. Ils se présentent en général comme des cubes de grès avec un trou centré qui accueillait la partie inférieure d’une vis de bois et deux encoches en queue d’aronde permettant de solidariser le contrepoids et la vis (voir les photos de contrepoids et le dessin du pressoir de Savignac).

Contrepoids de pressoir servant de socle à une croix
Contrepoids de pressoir servant de socle à une croix (embranchement de la D 993 et de la route de la Roubière), photo A. Bernat, janvier 2021

Datation

Nous ne savons actuellement les dater avec précision. D’après les spécialistes qui les ont étudiés, ils peuvent remonter aux 9ème, 10ème ou 11ème siècle. Ils ont donc malgré tout environ mille ans !

 

Contrepoids de pressoir du Vivier
Contrepoids de pressoir du Vivier, photo A. Bernat, mars 2019

Fonctionnement

Le fonctionnement des pressoirs à raisin et contrepoids taillés dans le grès peut être déduit des parties de grès conservées mais aussi de la comparaison avec des pressoirs antiques ou modernes conservés. La plupart des pressoirs de la commune de Montjaux sont du type à levier avec vis et contrepoids (comme celui de Savignac reconstitué ci-dessous).

 

Reconstitution du pressoir de Savignac, dessin Jean Delmas et Robert Aussibal (Presses et pressoirs rouergats, Musée du Rouergue, Guide des Arts et Métiers n° 12, 1988, 66 p) : contrepoids à gauche et maie à droite (taillés dans le grès)

Un petit patrimoine à préserver

La concentration particulière de ces pressoirs et contrepoids témoigne du riche passé de la commune de Montjaux et particulièrement de ses vallées qui ont très tôt connu la viticulture. La culture de la vigne a d’ailleurs puissamment modelé les pentes abruptes avec l’aménagement d’une multitude de terrasses par nos aïeux. Cette extension est confirmée, par exemple, par deux chartes du cartulaire de l’abbaye de Vabres, datées de 862 et 868, qui évoquent la présence de vignes près du Tarn.

Même s’ils font partie de ce que l’on appelle le « petit patrimoine », les pressoirs et contrepoids de pressoir taillés dans le grès méritent donc d’être préservés.

Alain Bernat, Rue de l’Ecole, Marzials

*Ces pressoirs et contrepoids sont tous situés dans des propriétés privées. Pour plus d’informations sur ces monuments : DELMAS 1988 : Jean Delmas, Presses et pressoirs rouergats, Musée du Rouergue, Guide des Arts et Métiers n° 12, 1988, 66 p. et FAGES 2008 : André Fages, Des fours à pain aux caves à vin, Deux mille ans d’histoire, Editions del Monsénher, 2008, 173 p.